FOCUS RÉALISATRICES NOIRES – SARA GÓMEZ

FOCUS RÉALISATRICES NOIRES – SARA GÓMEZ

La rédaction Black Square vous propose de découvrir 5 portraits de réalisatrices noires qui ont marqué le cinéma et/ou la télévision. Après Gina Prince-Bythewood, Euzhan Palcy, Michaela Coel, on continue avec : Sara Gómez.

Autrice: Kady Sy

Sara Gómez (1942-1974) était une réalisatrice, scénariste, musicienne, peintre et journaliste cubaine. Elle est née le 8 novembre 1942 à La Havane, à Cuba. Elle a étudié le cinéma à l’Institut supérieur d’art de La Havane (ISA). Pendant ses études, elle a travaillé comme assistante réalisatrice pour le réalisateur cubain Tomás Gutiérrez Alea.

Sara Gómez est surtout connue pour son travail en tant que cinéaste engagée, mettant en lumière les réalités socio-économiques et culturelles des communautés afro-cubaines. Elle a exploré les questions de discrimination raciale, de marginalisation et d’inégalité à travers son cinéma, en mettant en évidence les expériences et les perspectives des Afro-Cubains. Elle a dépeint leurs réalités quotidiennes, leurs relations familiales, leurs activités économiques et culturelles, permettant ainsi de mieux comprendre leur expérience de vie. En se concentrant sur ces histoires intimes, elle a permis de mieux comprendre la vie des Afro-Cubains au-delà des clichés et des généralisations. Elle a montré leur diversité et a évité les stéréotypes simplistes, offrant ainsi une représentation plus réaliste et nuancée des communautés afro-cubaines. Elle est considérée comme l’une des premières femmes réalisatrices noires d’Amérique latine et une pionnière du cinéma afro-cubain. En plus de son travail de réalisatrice, Sara Gómez a été impliquée dans la création du Grupo de Experimentación Sonora del ICAIC (GESI), un groupe de musiciens et de cinéastes qui cherchaient à explorer les possibilités du son et de la musique dans le cinéma cubain.

Comme mentionné auparavant, les films de Sara Gómez ont abordé ouvertement la question de la discrimination raciale en Cuba, plus précisément ses films documentaires. Dans En la otra isla (1964), court métrage documentaire, elle examine les conditions de vie difficiles des résidents d’une île isolée près de Cuba. Bien que le film ne se concentre pas exclusivement sur la question de la discrimination raciale, il met en lumière les inégalités socio-économiques auxquelles sont confrontées les populations afro-cubaines. Ensuite, dans son court métrage documentaire suivant, Guarapo (1965), elle y présente la vie quotidienne des coupeurs de canne à sucre dans une plantation cubaine. Sara Gómez montre les dures conditions de travail auxquelles sont soumis ces travailleurs, dont beaucoup sont d’origine afro-cubaine. Le film aborde les questions de pauvreté, d’exploitation et de discrimination raciale. Puis dans son court métrage documentaire suivant, El solar (1968) elle y explore la vie dans un quartier pauvre de La Havane, où vivent de nombreux Afro-Cubains. Il y a une mise en évidence des inégalités socio-économiques, les difficultés d’accès au logement décent et les préjugés raciaux auxquels sont confrontés les résidents du quartier.

Una isla para Miguel, 1968

Le contexte socio-culturel occupe une grande place dans l’ensemble de l’œuvre de la cinéaste. Elle a situé ses histoires dans un contexte socio-culturel spécifique, en montrant les traditions, les croyances et les pratiques culturelles propres aux communautés afro-cubaines. Elle a montré la manière dont ces éléments influençaient leur identité et leur expérience de vie, contribuant ainsi à une meilleure compréhension et appréciation de leur culture. Par exemple, la musique et la danse sont des éléments essentiels de la culture cubaine, et Sara Gómez les a intégrés dans ses films pour capturer l’essence de la vie cubaine. Les rythmes et les danses afro-cubaines sont souvent présents, offrant ainsi une immersion dans la richesse musicale et artistique de la culture cubaine. Puis les traditions religieuses cubaines, notamment celles liées aux pratiques afro-cubaines comme la santería, ont été explorées dans les films de Sara Gómez. Elle a montré comment ces traditions religieuses influencent la vie quotidienne et les croyances des personnages, offrant un aperçu de la dimension spirituelle de la culture cubaine.

Un autre film important de la cinématographie de Sara Gómez Mi aporte (1972), considéré comme un film féministe, raconté à travers une perspective féminine, met en avant plusieurs thèmes : l’égalité femmes-hommes dans un pays qui à l’époque est en pleine révolution, en s’illustrant par un focus sur les femmes qui travaillent avec des parties où des commentaires sont faits par des hommes machistes, une discussion entre quatre femmes, dont Sara Gómez, filmée sans grands artifices, avec une prise de son direct rappelant alors le cinéma-vérité initié par Edgar Morin et Jean Rouch en France entre 1960 et 1963, pour finir avec un groupe de femmes ouvrières d’une usine de tabac après avoir vu le documentaire, discutant autour de l’œuvre. Ce film documentaire met en avant l’autonomie et l’émancipation des femmes en mettant en scène des femmes fortes et déterminées qui cherchent à s’émanciper des normes sociales et à prendre le contrôle de leur propre vie. Il montre leur lutte pour l’autonomie et la reconnaissance de leurs droits, ce qui est un thème central du féminisme. Il y a également une déconstruction des stéréotypes de genre en remettant en question les rôles de genre traditionnels et les attentes imposées aux femmes. Il offre des représentations diverses de femmes qui s’écartent des stéréotypes, ce qui est un objectif important du féminisme. Mais en plus de cela, il met en avant la solidarité entre femmes en montrant comment elles se soutiennent mutuellement dans leurs luttes et cherchent à se libérer des oppressions auxquelles elles sont confrontées, ce qui est une valeur fondamentale du féminisme.

De cierta manera, 1974

Ce qui marquera tristement la fin de sa carrière est son seul long-métrage, entre fiction et documentaire, De cierta manera (1974) où l’on y suit Yolanda, une enseignante, qui est envoyée travailler à Miraflores, un quartier marginalisé de La Havane, où de nouvelles maisons ont été construites pour éradiquer la délinquance et la ségrégation sociale d’un certain secteur de la population. Elle fait alors face à des problèmes avec certains étudiants, à des luttes sociales et aux différences et conflits générés par sa relation amoureuse avec un travailleur métis (noir-blanc), montrant le choc entre l’ancienne mentalité et les idées progressistes.

Sara Gómez décèdera prématurément à 31 ans suite à un asthme aigu, et le film sera alors achevé par Tomás Gutiérrez et Julio García Espinosa. La cinéaste Alessandra Müller lui consacrera le documentaire Donde Esta Sara Gómez ? en 2005, lui rendant hommage à elle et l’ensemble de son œuvre. Malgré une carrière courte, elle a marqué le cinéma.

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