FRANCE – JAHIKING CLUB
Texte + photos : Charlyze Anguiley
Jahiking : une expérience inclusive, noire et consciencieuse de la marche
Un air pur, des visages fatigués mais des corps motivés, dans cette forêt de Fontainebleau, une certaine magie remplit l’atmosphère. Réunis par et pour l’envie de se dépasser, c’est ce que propose Jahiking comme expérience. Créée par Coralie Kory et Daquiis (Daquisiline Gomis), fondateurs du restaurant “Jah Jah by le Tricycle”, un établissement dit “végétalien et d’influence afro-caraïbéenne” dans le 10ème arrondissement de Paris. Jahiking symbolise et confirme une nouvelle étape dans la carrière du couple parisien. En voulant rassembler bien-être physique et mental, les randonnées Jahking sont l’ensemble d’une synergie plurielle. Elles s’adressent tout d’abord à un public peu familier avec la randonnée de base. Et surtout, à un public avant tout non blanc et à majorité noire.
On le sait, la randonnée tout comme l’équitation ou le tennis, reste en Occident du moins, une activité sportive élitiste et surtout accessible à des classes sociales supérieures ou rurales ou à des personnes âgées. C’est une activité qui s’hérite, qui demande de la discipline et surtout un espace géographique vaste. Comme un rappel à l’ordre général, Jahiking proclame la faisabilité de cette activité, surtout près de Paris. Pourtant historiquement et culturellement, la marche et la randonnée font partie intégrante du quotidien de plusieurs ethnies et groupes culturels africains : des Massaï aux Touaregs en passant par les Pygmées, le continent africain dans sa globalité renferme une culture de la marche mais aussi de l’exode et du déplacement tant guerrier qu’agraire que spirituel. Jahiking va à son échelle rappeler ses pratiques ancestrales mais toujours actuelles, les ramenant en esprit ici dans la capitale et les insufflant à des nouvelles générations diasporiques.
Sponsorisée par la marque française de chaussures de marche Salomon, l’expérience Jahiking tend à démocratiser cette activité sportive, en y ajoutant une dimension consciencieuse et alternative avec la naturopathie et des plats afro-vegan. Les randonnées Jahiking imposent des visages pourtant courants dans la vie citadine de tous les jours, dans des sentiers et forêts loin du titi parisien que l’on connaît tant. Et le résultat est sans appel : au début de chaque randonnée, la peur et l’appréhension sont maîtresses car les réactions des riverains sont parfois déroutantes. Et les liens sont faibles car personne ne se connaît vraiment.
Mais au fil des escalades, des longs chemins sous le soleil et la pluie, les personnalités se mélangent et l’effort se mêle à une certaine candeur ambiante. Les rires et conversations prennent finalement toute la place et une petite communauté se créée. Traumas et problèmes personnels, religion kimbanguiste ou l’état du R&B français, tout y passe car les cerveaux se déconnectent et se laissent emporter par les arbres, les effeuillages des champs et les chemins parfois sinueux qu’on parcourt. Un environnement en opposition à des vies polluées par des jobs stressants, des incertitudes relationnelles ou des troubles émotionnels. Comme un portail vers une autre dimension, la forêt de Fontainebleau se fait le temps de quelques heures mère protectrice d’une vingtaine, trentaine d’âmes fatiguées, souvent créatives et artistes, venues défier leur endurance et leur envie d’échapper à un réel irréaliste, à 100 à l’heure et fantasque qu’on s’impose et qu’on nous impose.
Fiona et Khadija reviennent sur leur expérience, ressentis et motivations quant à Jahiking :
(Fiona à gauche et Khadija à droite)
“Pour moi elle représente beaucoup parce c’est quelque chose qui a été créée par la communauté, pour la communauté ! Et pour une femme comme moi qui vient d’un milieu rural (je suis née et j’ai grandi dans le fin fond de la Bretagne) c’est important parce qu’on a pas ce genre de communauté en fait ! Par contre on a la nature ! Et justement sensibiliser les gens de la « ville » à ça, je trouve ça super et de plus en plus les gens recherchent ça, moi la première parce que ça me manque en vrai !” – Fiona
“J’ai participé au hiking de Jahjah parce que je fréquente le restaurant, je suis souvent dans l’arrondissement et j’aime bien aller au Tricycle […] Et du coup je suivais la page du resto et c’est comme ça que j’ai vu qu’ils proposaient des randonnées pour les personnes afrodescendantes. Et je trouvais que c’était un sport où on était pas beaucoup représentés et donc j’ai voulu essayer et franchement c’est une expérience que j’ai adoré, c’était génial. J’ai rencontré des personnes extrêmement intéressantes et le message politique qui est d’occuper des lieux dans lesquels on ne nous attend pas, ça me parle énormément, surtout à Fontainebleau.” – Khadija
Jahiking porte très bien son nom : Jah pour la figure divine et d’influence chrétienne de la religion rasta et hiking pour le fait de marcher, monter, grimper mais surtout le dépassement de soi. Un pari réussi entre sport, inclusion et créativité. On repart de leurs randonnées le corps et l’esprit nourris et apaisés.