NIGERIA – A LA DÉCOUVERTE DE TUNJI IGE
Plongée dans une spirale temporelle sans fin, le cœur dans le passé, les yeux vers le futur: la musique a la tête qui tourne. Mal de crâne carabiné ou éclair de génie, aujourd’hui le passé est une source d’inspiration fustigée à outrance. A seulement 21 ans, Tunji Ige est déjà un artiste totalement accompli, qui s’est définitivement imposé avec son premier album sorti cette année. Aujourd’hui, son exploration musicale semble être sans limites. Des arguments de poids qui vont certainement en réconcilier plus d’un avec le genre.
La petite anecdote veut que tout ait commencé fin 2014, dans une chambre de l’Université de West Chester, alors étudiant et animé d’une envie de livrer ses envies, ses doutes et aspirations. The Life Of Tunji débute par un single housetrap très groovy. Aux balbutiements de sa notoriété toute naissante, le jeune artiste originaire du Nigéria, exilé à Philadelphie ne perd pas de temps en délivrant The Love Project: une hymne house qui modernise les influences 90’s à grand renfort de bass-lines ultra épurées et d’une fraicheur bienvenue, qui s’écoute à tout moment de la journée, mais qui s’apprécie le plus tard possible, dans la pénombre la plus totale, guidé par ce qu’il vous reste de stamina, les néons qui vous brulent la rétine et les courbes de la musique. Lorsque le catchy Day2Day laisse retentir ses premières boucles, on imagine facilement une décennie bien chargée de plus aux masterminds derrière les platines. Qu’importe, l’effet reste le même: la montée uber-samplée fait son effet, jusqu’aux prémices de cette ligne planante salvatrice. Tiens, c’est frais ça ! The Love project c’est de la dance fédératrice, une came qui fait bouger les foules comme des automates, une vague house finalement plutôt millimétrée. Du hit Ball Is Life, à l’accrocheur Red Light, jusqu’à la touche old-school d’un S.O.T.N en passant par la profondeur de For Us, cette formule à la fois épurée et ultra détaillée fait mouche. Les singles s’enchainent, la fosse se déchaine. Que demande le peuple?
L’avantage quand on est un mec aussi productif, – on lui doit par ailleurs des collaborations avec Christine and the Queens, iLoveMakkonen – c’est que l’on n’a jamais le temps de sur-penser son travail. La spontanéité de Tunji l’empêche de tricher. Il lâche son travail dans la nature et confirme tout le talent qu’on lui prêtait avec son premier EP, Missed Calls, une galette de 7 titres, portée par l’excellent « On My Grind » ou « 22 » à l’ambiance fantomatique, un flow sombre, nonchalant, interminable, qui oscille entre rap et chant, ses productions qui sentent bon le boom-bap de la 808 et les basses bien lourdes… Difficile de résister. Au fil de son évolution, l’album semble se détacher de son caractère prosaïque et se pare de cette capacité à véhiculer une émotion plus complexe qui se livre sur plusieurs niveaux d’écoutes. War n’est pas un morceau, c’est une chanson, au même titre que Fired Up. Autant de titres sur lesquels la vocalise n’est pas un simple écho éthéré, qui s’efface pour mieux laisser vivre la magnifique instru.
Il aurait pu faire plaisir à tout le monde, rester dans sa zone de confort et sortir un titre dans la pure veine de tout ce qu’il a fait jusqu’à maintenant. La vérité, c’est que personne ne lui en aurait voulu, bien au contraire. Néanmoins, il en a décidé autrement pour son 21e anniversaire, en dévoilant « Prince Of July » une mixtape qui offre un nouveau contexte au flow pourtant très incisif du garçon. Le registre flirte quasiment avec le R&B. Rassurez-vous, on reste dans tout ce que le genre a de meilleur à proposer. On repenserait presque à l’audace de Personal, ou encore Getchu right. Les couches se superposent dans un véritable chaos contrôlé, qui a bien souvent la main lourde sur l’auto-tune. Le mec fait ce que bien d’autres ont fait avant lui : il utilise à bon escient l’art de la mixtape, et explose véritablement auprès du public. Quoi qu’il en soit, le mec est plein de surprises, c’est bien là le principal, et ça annonce le meilleur pour la suite.
On apprend que Tunji Ige sera aussi en concert en France le 22 juillet au Pop-Up du Label à Paris, une occasion de le découvrir, la plèbe pourra se délecter de ce qui suit en attendant.