NIGERIA – FOCUS SUR L’ARTISTE OBONGJAYAR
Une plongée dans l’univers d’Obongjayar pourrait s’apparenter à de l’insaisissable. À la fois protestataire et terriblement mélancolique, ce natif du Nigéria, aujourd’hui installé à Londres a accouché à maturité d’un très bel EP. Réalisé en collaboration avec Sarz “ Sweetness?” examine les premières étapes d’une relation avec un ego dépouillé entre douceur et excitation ( la vulnérabilité, le doute et l’anxiété d’essayer de comprendre où vous en êtes). Délaissée de tout opportunisme malsain, sa musique est non seulement un moyen de créer mais aussi un outil pour explorer les thèmes plus larges de soi, mais dont les sillages ne se livrent qu’aux oreilles curieuses.
Tout commence à Calabar, une ville portuaire du sud du Nigeria où il vit avec sa grand-mère. Toute son ambition naturaliste réside dans l’observation de son propre reflet au travers de son environnement et de ses voyages entre son pays natal et l’Angleterre. Repéré par le producteur Richard Russell, Steven Umoh -de son Vrai nom- façonne des oeuvres personnelles et maitrisées sur des productions lumineuses qui n’enlèvent en rien le propos général aussi sombre que la couleur de sa peau.
Avant d’être profondément influencée par les sonorités africaines, sa musique est surtout un condensé de soul, hip-hop, électro et jazz, qui décontenancera ceux chez qui la musique peut se réduire à une identité. Auteur et compositeur, il puise dans une vaste palette instrumentale qui se situe quelque part entre les grooves familiers d’un Kamasi Washington et les percussions coupées et précises d’un Tony Allen. C’est au travers de ce contrepoids qu’il s’affranchit de toute barrière et se permet d’offrir à chacune de ses itérations une toute nouvelle dimension.
Comme tout artiste tiraillé par sa conscience, Steven prend position comme il ne l’a jamais fait au paravant sur Which Way Is Forward ? Soit « Par où aller de l’avant ? », son EP sortit l’année dernière. Il prend position contre la société, contre la politique raciale, il se pose des questions qui ont du sens. Il évoque chaque sujet sensible avec une maestria à décourager quelconque artiste qui espère réitérer l’exploit.
Tout comme ses chansons explorant un sentiment d’être, sa musique est vécue sans clivage ou égocentrisme. Il y a une qualité méditative dans l’interaction entre sa voix et les arrangements, En tant qu’interprète, Obongjayar offre également un énorme sentiment de présence, canalisant les traditions des chefs d’orchestre comme Bola Johnson ou Fela Kuti.
Cette parfaite juxtaposition suggère une crise de conscience, moins une crise artistique, mais plutôt d’un artiste aux ressources inépuisables. Dans le cas d’Obongjayar, il fait juste l’objet d’une fascination inébranlable.