USA – AVEC “CTRL”, SZA TIENT SON MILLÉSIME

USA – AVEC “CTRL”, SZA TIENT SON MILLÉSIME

Eh bien, je pense qu’il faut du temps – plus de temps que quiconque n’aime à l’imaginer- pour démêler les choses en soi, puis essayer de les mettre en ordre et enfin tenter de les voir, pas tant leurs donner un sens. Voilà pourquoi peut-être le passé devient plus clair que ce qui semble le présent. Dans Ctrl il est question d’Amour aussi bien de l’Eros, le Philia ou de l’Agapé, de ses craintes, ses aspirations en tant que femme qui vit son chagrin très calme et cette lassitude apaisée avec cette part inévitable d’imposture et d’ambiguïté.

De l’eau a coulé sous les ponts depuis «Z» son premier EP et notre Solana n’a pas fini d’élargir les horizons. Il fait office de table rase du passé. A la fois exotique et mystérieux, de l’incipit «Ur» qui navigue sur des terres inconnues et nous fait débarquer sur les rythmes contagieux de «Babylon» et «Shattered Ring» où l’on retrouve bel et bien sa recette qui marche à merveille.

Grandement empreint des influences jazz et soul prédominantes Ctrl est un patchwork d’influences avec une cohérence bluffante : des guitares rock 60’s et des synthés en fusion, un phrasé assez technique en alternance avec un chant de crooner dont la sensualité et le panache évoquent successivement Donna summer, Alicia Myers ou encore Chakan Khan., tout en conservant son caractère singulier. Et ils sont nombreux à avoir répondu à cette itération: Travis Scott sur «Love Galore», Kendrick Lamar sur «Doves In The Wind» ou encore Isaiah Rashad sur «Pretty Little Birds» pour ne citer que ceux-là, le tout est méticuleusement déposé dans un soucis d’équilibre et de balance des différentes composantes qui vont créer cet ensemble qui tout en reflétant une simplicité reposante, arbore en réalité une construction complexe.

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«That is my greatest fear, That if, if I lost control. Or did not have control, things would just, you know, I would be… fatal». Ces mots lourds de sens, sont le leitmotiv qui ponctue Ctrl au fil de sa progression. S’ils se révèlent aussi importants, c’est qu’ils traduisent à la perfection l’état d’esprit de SZA: une femme noire coincée entre le succès et des convictions personnelles de plus en plus pesantes.

Comme toute artiste torturée, tiraillée par sa conscience, ses mots font rêver et quelques fois rappellent à la réalité. Mais aucuns ne peut échapper à ce qui est primordial pour elle: l’honnêteté avec laquelle ils ont dit, et Kendrick Lamar le rappelle si bien dans Doves In The Wind, «Solàna middle fingers up, speak your truth». Cette vérité, sa vérité est comme une chambre de résonance, un endroit secret qui ne pouvait être que difficilement pénétré qui se trouve intégralement tributaire du travail des vivants (sa mère) et des morts (sa grand-mère) «Just give as much as you take, Forgive as much as you hate or get the fuck out». Tout est une question de sentiments et non de volonté, ce frisson de l’instinct vital, cet amour de concupiscence et qui au fur à mesure que l’on avance se détache de ce côté prosaïque et des désirs égoïstes pour renouer avec cet héritage et la ressemblance des personnes qui l’ont influencée.

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SZA l’a bien compris, le bonheur c’est comme le glaçage sur le gâteau, «I Belong to nobody, try not to disturb and mind my business» tu dois tout faire toi-même et accepter que lorsqu’une personne veut partager ton bonheur c’est du glaçage. «Drew Barrymore» est le symbole du questionnement de ces insécurités, elle cherche à se comprendre, comprendre où se trouve sa place dans le monde en tant que femme. Elle n’a plus rien de ce personnage insouciant, juvénile, enjoué et naïf d’auparavant, et apprend à ses dépens que les choses, dont l’expérience, vous vieillit plus rapidement qu’une longue suite d’années paisibles, ce qu’elle a gagné en bonheur, en sentiment de culpabilité et en souffrance, elle l’a perdu sur le plan de l’amitié et de la jeunesse. Elle s’accroche à cette petite histoire triste de blessure et de chagrin: un problème et une douleur anciens que l’existence a lâché sur son être pur et innocent, «Fearin’ not growin’ up. Keepin’ me up at night, Am I doing enough?» et elle essaye de réécrire cette histoire à l’infini, tout en connaissant son intrigue, en devinant son thème, en inventant sa signification et en rejetant son origine.

Le voyage est mêlé à l’Amour peut-être parce qu’il rompt sans doute avec cet environnement quotidien d’où nait si vite l’habitude qui est ennemie de la passion et elle a bien compris les passions sont ainsi faites entre zones claires et douces où l’horreur des bouleversements cède la place, pour quelques heures à des apaisements illusoires qui ne font rien d’autres que nous rendre à une vie normale à laquelle elle aspire sur «normal Girl»- I wish I was a normal girl, How do I be ?- mais qui lui apparaissent par contraste comme des sommets fabuleux de félicité. Il n’y a pas qu’une dimension personnelle dans sa démarche, elle partage son expérience en adoptant différents points de vues dans le but de représenter un catalogue non exhaustif de femmes.

En définitive Ctrl dépeint l’excuse à cet amour naïf un peu comme les messages glissés au cœur des biscuits chinois: jusqu’à ce qu’il devienne pure sottise d’adultes. C’est un phantasme en quatorze plages, le rêve d’une autodidacte qui invente son propre idéal soul en accordant les vestiges du passé avec sa vision et qui, ultime utopie, parvient à faire oublier aux auditeurs toutes ces notions de temps. « Go Gina… »

En prime, elle assura la première partie du concert de Bryson Tiller le 19 Octobre Prochain au Zenith.

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