CANADA – ESMAA MOHAMOUD, TEMPS MORT POUR LES CORPS NOIRS

A peine 28 ans et plus d’une dizaine d’expositions à son actif, Esmaa Mohamoud est la sensation qui agite le petit monde de l’art contemporain.

Depuis ses 6 ans, l’artiste afro-canadienne est déterminée à faire entendre sa voix. Une voix qui s’exprime avec fracas pour dépeindre le parcours des corps noirs dans la société actuelle. Esmaa Mohamoud, ne s’excuse pas d’être là, elle sait que sa présence choque mais que ses oeuvres surprennent davantage.
Elles mettent délibérément en parallèle le sport contemporain et l’esclavage. L’idée selon l’artiste est d’ouvrir la conversation autour des forces à l’oeuvre dans le domaine. « Très peu de monde est à l’aise lorsque l’on parle d’esclavage mais tout le monde l’est quand on aborde le sport »
Le cycle qu’Esmaa Mohamoud a entamé ces dernières années, questionne les relents de racisme qui agissent sur les corps des hommes noirs. L’abolition est loin d’avoir effacé l’idéologie raciste et le sport américain en est le reflet. Une multitude de personnes noires livrent combat pour divertir et enrichir une élite blanche. Cet état se retrouve dans la série Untitled qui détourne les couleurs des équipements de football américain tout en y ajoutant de lourdes chaînes posées sur les épaules des athlètes, telles une cape d’oppression.
Selon la plasticienne, ce sont les mêmes qui prennent les risques mais qu’on censure dès qu’ils émettent une idée, à l’instar de Colin Kaepernick.

Esmaa Mohamoud dénonce également l’assignation des hommes noirs au statut d’animal viril, confinés dans une masculinité des plus toxiques. L’artiste tente alors de supprimer ce carcan de genre et de sexe qu’elle a elle aussi connu lorsqu’elle s’essayait au basket avec ses frères.
« You’re not one of the boys » disait sa mère. Mais où elle la place de ceux qui ne se retrouvent pas dans l’archétype étriqué du « garçon noir » ? Esmaa Mohamoud y répond dans la série photographique « One of the Boys » où les maillots de basket se transforment en d’extravagantes robes bouffantes.
Ses oeuvres sont particulièrement percutantes et attrapent la veste des visiteurs qui se retrouvent dans l’obligation de se remettre en question.

La jeune artiste effleure nos cicatrices avec son ton acide et salvateur. Son art est lancé, plein phare sur nos oppressions. Esmaa Mohamoud a emprunté la route du divertissement mais la radio annonce qu’elle prendra un nouveau virage, direction la politique.
La course poursuite ne fait que commencer.